Per cambiar le monde…

Cette exposition met en relief la force de l’écriture et du geste à travers un choix d’œuvres majeures et monumentales des collections des Abattoirs. Judit Reigl et Georges Mathieu inventent une écriture abstraite et puissante, tandis que Ben, Jimmie Durham et Pascal Lièvre mettent en scène les mots pour créer des nouvelles formes de manifestes, pour l’identité territoriale, l’environnement et le féminisme

"Dans un tableau, les mots sont de la même substance que les images" écrivait René Magritte, l’un des grands maîtres surréalistes, en 1929. Si le rapport entre le mot et l’image est une constante dans l’histoire de l’art, de l’enluminure au Surréalisme, il occupe une place centrale dans les grands mouvements de l’art moderne et contemporain du XXe siècle et jusqu’à nos jours.

L’écriture significative ou purement plastique est située à la frontière de la matière et du concept. Elle induit une dimension poétique et véhicule aussi le message des manifestes. L’exposition "Per cambiar le monde… " met en relief cette force de l’écriture et du geste à travers un choix d’œuvres majeures et monumentales des collections des Abattoirs. Le titre Per cambiar le monde…, emprunté à l’une des œuvres exposées de Ben, induit à la fois l’imaginaire du mot et la rupture avec le langage établi. Ce titre rappelle que les mots comme le dessin, ont le pouvoir de changer le regard que l’on porte sur le monde.

 

Judit Reigl, peintre hongroise, proche du mouvement surréaliste à ses débuts, présente l’œuvre Écriture en masse, puissante forme noire en lévitation sur fond écru dans une dimension monumentale et austère. Proche de Georges Mathieu, avec qui elle avait déjà exposé en 1956 à la Galerie Kleber à Paris, Judith Reigl partage avec le peintre français cette abstraction gestuelle de nature calligraphique. Ces deux grands artistes historiques inventent un nouvel alphabet pour de nouveaux espaces poétiques, visant à une autre lecture et compréhension du monde, une vision de l’histoire dans le cas de Georges Mathieu avec La Bataille de Hastings le 14 octobre 1066.

Ben, artiste français d’origine suisse, est connu pour ses écritures déclinées sous divers supports et diverses formes. Les trois œuvres de Ben conservées dans les collections des Abattoirs, Per cambiar le mondea Tolosa, Mefi et C’est la guerresont présentées dans cette exposition. Ben a toujours témoigné un intérêt pour l’Occitanie et affiché ses positions sur la question des minorités. Ses œuvres font état de ses réflexions et de ses réactions épidermiques sur la vie, l’art et le monde.

L’œuvre Sweet, Light, Crude de l’artiste américain Jimmie Durham est composée de vingt-cinq barils de pétroles peints en couleur avec un mot en lettre adhésive différent sur chacun d’entre eux : "savour", "best" "total", "virtue", "more", "honor"… L’artiste a détourné un objet à forte charge symbolique, il retourne ainsi l'imaginaire industriel et économique pour composer un assemblage poétique et chromatique qui renvoie à l’énergie du pétrole et aux tensions géopolitiques qu’elle ne cesse d’aviver.

Pascal Lièvre, artiste français, connu pour son engagement féministe, présente l’œuvre vidéo Rêver l’obscur : plus de cent noms de femmes féministes du XXe siècle du monde entier sont tracés successivement par l’artiste sur une surface de paillettes noires.
Cette œuvre "manifeste" occupe une place centrale dans l’exposition en liant la puissance des mots et la force de l’image en un seul geste et en redonnant un nom aux grandes figures oubliées de l’espace public.

"C'est le frisson du sens que j'interroge en écoutant le bruissement du langage - de ce langage qui est ma Nature à moi, homme moderne." Roland Barthes *

*Le Bruissement de la langue recueil d'essais écrits entre 1964 - 1980

 

Œuvres présentées

Ben, Per cambiar le monde… a Tolosa, 2011
Ben, Mefi, 1984
Ben, C’est la guerre, 1984
Jimmie Durham, Sweet, light, crude, 2009
Pascal Lièvre, Rêver l’obscur, 2016
Georges Mathieu, La Bataille de Hastings, 1956
Judit Reigl, Écriture en masse, 1964