Daniel Cordier, l’ivre d’arts
Le livre à travers les artistes de la donation Daniel Cordier et des collections des Abattoirs
"Aussi loin que remontent mes souvenirs d’adolescence, je retrouve cette envie de faire un livre*".
À travers une nouvelle présentation de la collection de Daniel Cordier, les Abattoirs explorent pour la première fois le lien qui unit son goût pour les œuvres plastiques à celui pour les livres. Au regard d’œuvres et d’artistes soucieux de relier la page et la toile, par le biais de médiums multiples, c’est une histoire commune qui s’écrit à la lumière d’une passion moins connue du collectionneur.
De son vivant et dans les mois qui suivent sa disparition en 2020, près de dix mille livres issus de la bibliothèque personnelle de Daniel Cordier sont donnés à différentes bibliothèques publiques : Cordier l’amateur d’art est aussi "l’ivre d’arts". Ses lectures, de la poésie à la politique, à l’histoire et à l’art, ont nourri son regard critique, et sa connaissance de l’Histoire de l’art. Il aura amassé des ouvrages de tous types, souvent annotés par ses soins, parfois signés de la main des mêmes artistes dont il a acquis et exposé les œuvres dans ses galeries parisienne, allemande et américaine.
Aux Abattoirs, où la quasi-totalité de sa collection a été déposée par le MNAM-CCI/Centre Pompidou à la suite de sa donation en 1989, de nombreuses œuvres résonnent avec des références littéraires multiples et prolongent les travaux d’artistes parfois auteurs, comme Henri Michaux ou Jean Dubuffet. Elles trouvent aussi un écho dans le fonds de la bibliothèque, riche de plusieurs milliers de livres d’artistes qui relient l’art à l’objet-livre.
Si Cordier partageait avec ses précieux livres son quotidien, c’est parce que le livre est justement un objet du quotidien, qui recèle pourtant de nombreuses facettes. Le parcours de l’exposition, dont chaque salle emprunte le titre à des livres appréciés par Daniel Cordier, entend en révéler un certain nombre : le livre-objet, le livre-image ou le livre-espace. "Le livre à venir"(Maurice Blanchot) est d’abord un objet d’art, et un ouvrage d’artisanat, qui alimente les expériences des artistes partageant des gestes communs avec les papetiers, les imprimeurs ou les relieurs. Il est le fruit d’une conception minutieuse, le plus souvent articulée autour d’un pli, "colonne vertébrale du livre" selon Stéphane Mallarmé. Sur les traces des “Mots dans la peinture" (Michel Butor), plasticiens et plasticiennes repoussent encore les limites de l’illustration et de l’écriture, qui se répondent et se confondent parfois : manuscrite ou non, la lettre devient elle-même esthétique. Enfin, leurs recherches et leurs travaux se déploient dans un cadre spécifique, celui d’une “Poétique de l’espace” chère au philosophe Gaston Bachelard. L’espace du dedans est celui de la page blanche travaillée comme une architecture de papier. L’espace du dehors, lui, est celui dans lequel s’inscrit le livre, à commencer par la bibliothèque et plus largement la société elle-même, où il occupe une place plurielle, fonctionnelle, décorative ou sociale.
Présentation des salles
Salle 1. "Le livre à venir"
Arman (1928-2005), Marion Bataille (née en 1963), Maurice Blanchot (1907-2003), Öyvind Fahlström (1928-1976), Hessie (1936-2017), Isabelle Jarousse (née en 1964), Jacqueline de Jong (1939-2024), Aleksandra Mir (née en 1967), Daniela Ortiz (née en 1985), Raymond Queneau (1903-1976), Morgane Tschiember (née en 1976), Bernar Venet (né en 1941), Éric Watier (né en 1963)
Salle 2. "Les mots dans la peinture"
Judith Bartolani (née en 1957), Michel Butor (1926-2016), Nicolas Codron (né en 1977), Juliette Green (née en 1995), Joël Hubaut (né en 1947), Nalini Malani (née en 1946), Judit Reigl (1923-2020), Bernard Réquichot (1929-1961), Philippe UG (né en 1958)
Salles 3 et 3bis. "Poétique de l’espace"
5.5 DESIGNERS (composé de Vincent Baranger (né en 1980), Jean-Sébastien Blanc (né en 1980), Anthony Lebosse (né en 1981) et de Claire Renard (née en 1980)), Laurence Aëgerter (née en 1972), Gaston Bachelard (1884-1962), Sophie Calle (née en 1953), Nicolas Codron (né en 1977), Robert Combas (1957, France), Jean Dubuffet (1901-1985), Stéphane Mallarmé (1842-1898), André Malraux (1901-1976), Henri Michaux (1899-1984), Jean-Luc Parant (1944-2022), Ramon Parramon (né en 1963), Chloé Vanderstraeten (née en 1996)
Commissariat : Julien Michel, Attaché de recherche
* Daniel Cordier, dans Daniel Cordier, Amateur d’art. Alias Caracalla 1946-1977, édition préfacée, établie et annotée par Bénédicte Vergez-Chaignon, Paris, Gallimard, ‘’Témoins Gallimard’’, 2024, p. 235.
Informations pratiques
Lieu
Les Abattoirs
Vernissage le jeudi 13 février à 18h