Oliver Beer, Alice Falling, 2014, film 16 mm et transfert numérique couleur muet, 2'17, coll. les Abattoirs-Frac Occitanie Toulouse © O. Beer ; photogr. courtesy de l'artiste
Oliver Beer, Alice Falling, 2014, film 16 mm et transfert numérique couleur muet, 2'17, coll. les Abattoirs-Frac Occitanie Toulouse © O. Beer ; photogr. courtesy de l'artiste

À bâtons rompus

Présentation des collections Daniel Cordier

Cette exposition présente un ­ensemble d’œuvres du cabinet d’art graphique autour de l’écriture automatique et du langage du dessin.

"S'il faut employer la terminologie selon laquelle bien dessiner serait reproduire exactement la vision optique, je dirai alors que l'art ne commence qu'à partir du mal dessiner, que plus mal on dessine et plus on fait apport créatif".
Jean Dubuffet, A bâtons rompus, 1976

Dans l’Après-guerre, les artistes issus de l’abstraction gestuelle européenne, de l’expressionnisme abstrait américain, ou encore de COBRA (Copenhague, Bruxelles, Amsterdam) et de Gutaï au Japon, ont en commun de recourir à la pulsion du trait propre au dessin et à la rapidité de l’écriture au sein de leurs œuvres. Marqués par l’héritage de l’automatisme et du recours à l’inconscient du surréalisme, ils laissent visibles dans leurs travaux, y compris picturaux, la trace du mouvement, la rapidité du graffiti ou encore le repentir. Le dessin, longtemps considéré comme préparatoire, est reconsidéré comme un médium à part entière, qui s’exprime aussi bien sur le papier que sur la toile. Loin d’être des défauts, la spontanéité, la maladresse ou la naïveté, deviennent la preuve de l’authenticité de l’artiste, et la marque d’une liberté créatrice nouvelle qui se serait libérée des carcans, y compris ceux du beau ou des règles des beaux-arts académiques. Ainsi Jean Dubuffet enjoint ses contemporains à fuir "l’asphyxiante culture institutionnelle" dont la seconde guerre mondiale a, pour beaucoup, souligné l’échec. Ainsi promeut-il les artistes dit de l’art brut, tout comme d’autres recherchent alors une vérité originelle et instinctive dans les arts extra-européens.

L’exposition A bâtons rompus, dont l’intitulé reprend le titre d’un ouvrage de l’artiste Jean Dubuffet, rassemble des artistes qui répondent au slogan de Cobra : "En art, pas de politesse : l’art, c’est du désir brut" (Cobra, n°5). Cet accrochage puise dans la richesse des collections notamment graphiques, des Abattoirs. Elle explore en particulier le dépôt de la collection de Daniel Cordier né en 1920, marchand et amateur d’art, dans la galerie duquel s’était tenue en 1959 à Paris la dernière exposition collective du surréalisme, et dont le fonds, donné au Centre Georges Pompidou et déposé aux Abattoirs, comprend aussi bien des œuvres d’artistes modernes et contemporains que des collections extra-européennes. Dans cet accrochage, les œuvres de sa collection, sont également mises en rapport avec des livres d’artistes et des œuvres de la collection contemporaine des Abattoirs. La continuité de la recherche surréaliste y dialogue ainsi avec d’autres approches du dessin, plus conceptuelles, minimalistes ou ludiques, soulignant combien il est aujourd’hui, sous ses formes les plus diverses (de l’écrit ou de la partition à l’installation ou au dessin animé) un médium unique et transversal de l’art.