10 ans, un musée, un Frac, une collection
10 ans et déjà une collection ? Loin s’en faut, mais des orientations au travers de 3500 numéros qui la construisent peu à peu. 10 ans d’activités, 10 ans d’acquisitions, une collection à redécouvrir, à revisiter dans le cadre de nouveaux accrochages.
Conduites par le musée et par le Frac Midi-Pyrénées qui constituent fondamentalement les Abattoirs, une suite d’expositions alterne une série de confrontations et de rapprochements entre œuvres modernes et contemporaines, permettant ainsi de saisir la logique des politiques d’acquisitions souvent liées aux programmes d’expositions des Abattoirs.
Versant musée s’affiche la plénitude d’une certaine stabilité autour de pièces historiques qui articulent un discours plus sensible que formel avec des œuvres plus contemporaines. Par delà les origines et les époques, sans logique technique, stylistique ou chronologique, ces correspondances de bon voisinage réveillent des connivences subtiles et imaginaires autour des thématiques qu’elles inventent mais où l’on ne saurait les enfermer, puisque les œuvres font l’histoire, font histoire.
Côté Frac, la conversation est délibérément plus actuelle, davantage liée aux thématiques abordées ou construites lors de nos récentes expositions. Dans cet esprit, seront ainsi présentées les productions d’œuvres nouvelles destinées à rejoindre la collection, tandis que des modules appelés à voyager dans les structures artistiques du réseau de la région Midi-Pyrénées seront documentés.
• A l’étage,
l’aile nord renouvelle régulièrement les accrochages de la donation Daniel Cordier aujourd’hui consacrés à des œuvres de Dubuffet, Chaissac, Brassaï, Gabritschevsky, Silvester, …, en écho aux portraits hallucinés d’Arnold Schönberg (Visions et Regards du 15 mars au 9 mai 2010).
• Lui succédera, dès la fin mai dans cette aile sud, une présentation d’œuvres récentes de François Bouillon, de Theodoulos, d’Henri Michaux et de Yazid Oulab, croisant des pièces aborigènes et des objets ethnographiques, en une confrontation primitivisme – art contemporain.
• Entre ailes sud et nord, une petite salle pétillante dynamise l’éclatement mécanique des corps à l’œuvre dans les pièces de Dado, Sechas, Annette Messager et Pierrick Sorin.
• Le plateau confirme enfin l’hommage que le musée se doit de rendre à l’un de ses principaux bienfaiteur et donateur, Rodolphe Stadler, en exposant des chefs-d’œuvre de Burri, de Saura, de Shiraga et de Tapìes qui marquent fortement l’esthétique de notre collection, grâce aussi à la générosité d’Anthony et Celia Denney, partout présente.
• Au rez-de-chaussée,
cette dernière s’affirme par ailleurs dans deux salles du rez-de-chaussée, dès l’entrée du musée, l’une affichant quelques formes possibles de l’Abstraction en confrontant des peintures de Soulages, de Domenico Bianchi, Morellet, Sam Francis, tandis que l’autre assemble, les “figures ” expressives de Karel Appel, de Barceló et d’Hortala…
• Une troisième salle met en correspondance des images de deuil et de résurrection autour de portraits de Robert Mapplethorpe, d’Arnulf Rainer et des œuvres polyphoniques de Louise Nevelson (Dark Prescience 1) et de François Rouan (Tombeau de Francesco Primaticcio).
• Enfin, la nef centrale accueille le visiteur dans une mise en scène de peintures, photographies et sculptures qui, toutes, évoquent la fragile matérialisation de rêveries architecturales : Fontana, Magnelli, Yolande Fièvre, Georges Rousse dialoguent autour de la maison larmoyante de Stéphane Thidet (Refuge).
Dans la suite et toujours au rez-de-chaussée, plusieurs installations thématiques sont proposées à partir de la collection du Frac Midi-Pyrénées.
• L’organique et le vivant, vers quelle nature ?
L’introduction du vivant et de l’organique dans l’art est un phénomène assez récent. A l’heure des mutations environnementales ou génétiques ce pointe un enjeu crucial : la nécessité de reconsidérer notre rapport au monde et à l’idée même de nature. Dans cet ensemble, les œuvres renvoient aux notions de périssable (M. Blazy), de calibrage et de standardisation (D. Marcel), d’interaction et de modulation (M. Mohr), ou d’organicité corporelle (F. West). Leur articulation interroge le rôle de l’art, dans le cycle du vivant et de l’évolution.
• Poétiser la ville
Le paysage et l’habitat urbains tendent à devenir notre seul horizon. Mais la condition urbaine n’est pas seulement physique et territoriale, elle est aussi mentale et fait l’objet d’une interrogation de la part des artistes qui sont associés ici. Ils proposent un autre regard sur la ville, une autre poétique de ses fonctionnalités (Atelier van Lieshout sur la façade, R. Jacquier dans la halle) ou de nos présences (P. Bismuth, B. Lamarche). Comme pour déjouer la violence et la brutalité qu’induit trop souvent le phénomène urbain (Les favelas de P.M. Tayou dans la halle). Sur le mode du concret ou de l’imaginaire, poétiser la ville, la rue, l’habitat, la mobilité même des êtres dans leurs inscriptions physiques ou psychologiques, revient au besoin d’humaniser le rapport que le citadin entretient avec son cadre de vie individuel ou collectif.
• Dimensions cosmiques
Les questions liées à la place de l’homme dans l’univers, à l’attrait et la fascination que produisent sur lui les confins cosmiques, correspondent à l’une des motivations premières du fait artistique. Mais aujourd’hui, nos conceptions de l’espace et du temps, notre conscience du monde et de la place que nous y tenons s’est considérablement dilatée. Les bouleversements cosmologiques impriment nos technologies comme nos consciences. Ils nous engagent à repenser notre présence au monde à travers l’invention de nouvelles modélisations. C’est à ce redéploiement qu’invitent les œuvres de Basserode, N. Primat, V. Klotz, A. Jacquet ou R. Matta, rassemblées dans ce module sous la forme d’une sorte de ballet cosmique au fort pouvoir d’évocation.
• Hybrides et chimères
Les chimères, ces êtres fantastiques et hybrides liés à la mythologie, apparaîtraient régulièrement et de préférence à des moments de mutations profondes des sociétés humaines. Dans le langage courant, les chimères sont aussi des illusions ou des projets irréalistes. Aujourd’hui, l’hybride revient sous la forme d’organismes génétiquement modifiés. De même que sous les traits de nouvelles représentations qui surgissent autant de la mémoire de l’étrange que des métamorphoses du monde actuel. Dans cet ensemble d’œuvres, ces nouvelles chimères résultent de l’exploration de la lisière entre le réel et l’imaginaire, à travers la fantasmagorie (Loze, Verschaere), la fiction historique et politique (Hapaska, Todt), le rêve ou le mythe (Art orienté Objet, Bettencourt). Ces artistes nourrissent un axe fort de la collection : celui de l’imaginaire et de ses modalités d’apparition afin d’exorciser les “ monstres de la raison ”.
Puis au sous-sol, s’enchaînent :
• Art engagé, histoire et politique
Aujourd’hui, plus que jamais, l’engagement de l’artiste ne se limite pas à des enjeux techniques ou esthétiques. Il consiste à réagir en temps et en heure aux événements et aux images d’un monde en pleine transformation. Si bien que l’œuvre d’art contemporain peut traiter ouvertement et directement, de politique, d’écologie ou de tout autre sujet de société. Elle offre ainsi un contrepoint salutaire face au formatage des médias. A l’heure de la mondialisation, quel rôle l’artiste et l’œuvre d’art peuvent-ils jouer pour nous aider à dépasser nos craintes, nos peurs et nos tabous ? C’est ce que tentent de proposer l’ensemble des œuvres constitué autour de ces questions, qui touchent aussi à la culture ou à l’identité des peuples. Avec Tania Mouraud au sujet de la Shoah, Olivier Blanckart, de la guerre d’Algérie, Michel Aubry ou Lida Abdul, des conflits afghans ou Marie Denis, quant aux guerres de religion modernes. Avec Wang Du et Alain Declercq, le drame du World Trade Center à New York, reste une date clef dans la mise en place de cet ensemble qui est aussi à comprendre comme une collection de tableaux de l’histoire contemporaine.
• Planète cerveau
L’exploration de la dimension mentale connaît un regain d’intérêt flagrant dans la création contemporaine. Ce phénomène est à l’origine de cette collection dans la collection de cerveaux, qui fait écho aux théories du physicien russe Andrei Linde : en devenant une sorte d’immense cerveau, notre monde s’élargit considérablement si bien que le réel, la conscience et l’illusion sont imbriqués, favorisant une nouvelle fluidité entre l’intérieur et l’extérieur, entre l’individu et son environnement. C’est ce qu’explorent et stigmatisent les cerveaux “ externalisés ” de J. Fabre, Evru, C. Lévêque, M. Fatmi, G. Pinard, B. Peinado, S. Calais ou P. Kogler, mis en espace dans un même module.
• Grottes et transhistoires
Un ensemble d’œuvres constitué à partir d’une triple rencontre : celle du monde souterrain des grottes, de l’art contemporain et de la préhistoire. Les artistes rassemblés ici ont tous fait l’expérience d’une immersion intime dans l’espace physique et mental de la grotte, allant retrouver au plus profond de ses galeries, les premiers témoignages de “ création artistique ”. Envisagée comme une matrice ou une “ fabrique d’imaginaires ”, la grotte a été réactivée, perpétuant les pratiques rituelles du dessin ou de la gravure (Douillard, Gigoux-Martin), prolongeant les imaginaires qu’elle a provoqué en tant qu’organisme vivant et voie d’accès vers “ l’outre monde ” (Altmejd, Daviot). Au-delà de la représentation et de l’image, ces artistes ont vécu et traduit une autre dimension, celle de la transhistoricité. Une vision renouvelée de notre inscription dans l’espace et dans le temps.
Un parcours est également proposé dans les cours : Scurti, Van Lieshout, N55, Léger, Venet, Barceló et West dans le jardin Raymond VI.
Conduite par le musée et par le Frac, cette suite d ’expositions alternera une série de dialogues renouvelés entre œuvres modernes et contemporaines permettant de mieux saisir la logique des politiques d ’acquisitions au regard des expositions. Elle offrira des modules destinés à voyager, à être exposés dans les centres d’art ou les structures du réseau art contemporain de Toulouse et de Midi-Pyrénées. Elle proposera aussi la production d’œuvres nouvelles destinées à rejoindre la collection.
Débutant à compter du 24 juin, le second volet de cette exposition sera également présent sur d’autres sites de la région : le musée Denis Puech à Rodez, le Château de Taurines dans l’Aveyron, Fiac dans le Tarn ou le centre d’art Le Parvis à Ibos, dans une vaste exposition parcours conçue pour les dix ans des Abattoirs sous le générique “ Fantasmagoria – le monde mythique”. L’ensemble de ce dispositif a été conçu de façon à privilégier la circulation des publics sur l’ensemble du territoire régional. Le projet DreamTime 2 – Fantasmagoria du Mas-d’Azil en Ariège étant l’un des points fort de ce programme.
Commissariat : Alain Mousseigne, Directeur Général des Abattoirs, Pascal Pique, Directeur du Frac Midi-Pyrénées