Daniel Spoerri, les dadas des deux Daniel
Daniel Spoerri, (né en 1930), membre fondateur du Nouveau Réalisme, investit les sous-sols des Abattoirs. En contrepoint d’une présentation historique, il a conçu “les dadas des deux Daniel”, vaste cabinet de curiosités réalisé à partir de ses œuvres, de sa collection ethnographique et de celle de Daniel Cordier, donnée au Centre Georges Pompidou et en dépôt aux Abattoirs.
Daniel Spoerri, né en 1930 en Roumanie, réfugié en Suisse après la mort de son père pendant la guerre, se consacre d’abord à la poésie et la danse, avant d’adhérer au Nouveau Réalisme en 1960. Proche également du mouvement Fluxus, il se fait connaître par ses tableaux- pièges, dans lesquels il fixe sur un support mural les éléments d’une situation à un moment donné. Il poursuit cette réflexion en détournant les objets et la peinture (les "détrompe- l’œil") et en préfigurant l’Eat Art. Le fait de manger devient la matière de l’œuvre, aussi bien dans les restaurants qu’il ouvre, qu’en faisant des restes des déjeuners qu’il organise des natures mortes.
Depuis ses débuts, Daniel Spoerri interroge les aspects sociaux, culturels et symboliques de la nourriture et des objets. Dans le parcours historique sont présentés plusieurs tableaux-pièges et une salle est consacrée à un pan méconnu et précurseur de son travail, les MAT (Multiplication d’Art Transformable), édition de multiples d’artistes qu’il fonde en 1959 pour contester l’idée d’une œuvre unique et à laquelle participèrent de nombreux artistes de renom, de Man Ray, Jean Tinguely, Pol Bury à Roy Lichtenstein. Résurrection, film réalisé avec Tony Morgan appartenant à la collection des Abattoirs, dans lequel on suit à l’envers le chemin d’un "beefsteak" de la mort à la vie, complète cette réflexion sur le cycle de l’existence et ouvre cette carte blanche.
Les dadas des deux Daniels
Pour les "Dadas des deux Daniel", Daniel Spoerri investit les salles du sous-sol des Abattoirs pour mettre en scène les connivences entre ses œuvres, sa collection et celle de Daniel Cordier.
Ancien secrétaire de Jean Moulin pendant la Seconde Guerre mondiale, Daniel Cordier (né en 1920) fut galeriste de 1956 à 1964. Important collectionneur, il est l’un des plus grands donateurs des musées français. Sa donation d’œuvres modernes et contemporaines, mais aussi d’objets provenant d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques, est en grande partie en dépôt permanent aux Abattoirs, ce qui en fait l’un des plus importants dépôts du Centre Pompidou en région. Pour Daniel Cordier, ces deux pôles de sa collection forment un ensemble non distinct, tout comme pour Daniel Spoerri la pratique de collectionneur est intrinsèquement liée à son travail plastique.
Ainsi, face à la Généalogie du marché aux puces, aux Corps en morceaux créés pour le château d’Oiron, ou encore aux récents Restes des restes, Daniel Spoerri imagine sur toute la largeur du musée un cabinet de curiosité croisé où l’ensemble des aires géographiques, des cultures et ses œuvres se répondent dans une généalogie humaniste.